Un nouveau procédé pour détruire les fibres d’amiante dans les déchets

Un nouveau procédé a été développé pour détruire efficacement et économiquement les fibres d’amiante dans les déchets issus en majorité des opérations de retrait d’amiante dans les bâtiments anciens. Le procédé fait appel à une attaque acide des substances solubles associées aux chaines de silicates présentes dans les fibres d’amiante. Afin de réduire les coûts en acide et en réactifs de neutralisation finale, il comprend une étape d’épuration et de recyclage de l’acide usé contenant les sels dissous lors de l’attaque acide. Les produits obtenus sont exempts d’amiante et peuvent être valorisés.

Comment détruire l’amiante contenu dans les déchets par voie chimique ?

Sur le papier, c’est assez simple, il suffit de plonger les fibres d’amiante dans un bain d’acide assez concentré et il se produit alors une attaque de la structure cristalline des fibres par dissolution des sels métalliques associés aux chaines de silicates constituant le squelette cristallin des fibres d’amiante.

Dans le cas du chrysotile, la réaction chimique de destruction de son composant principal est la suivante :

Mg3Si2O5(OH)4 (solide) + 6 H+ <=> 3 Mg2+ + 2 SiO2 (solide) + 5 H2O

On obtient alors de la silice amorphe pouvant être séparée par filtration de la partie liquide contenant l’excédent d’acide et les ions métalliques dissous. Une précipitation sélective permet ensuite d’extraire de ce liquide des sels métalliques valorisables.

Quel acide choisir ?

De nombreux types d’acides ont été testés avec succès pour détruire les fibres d’amiante et font l’objet de divers procédés décrits dans plusieurs brevets d’invention.

Du point de vue économique, il est préférable de choisir des acides bon marché, pouvant, le cas échéant, être un sous-produit issu de procédés industriels existants (industrie des semi-conducteurs, désulfurisation des hydrocarbures…) qui trouvera dans la destruction de l’amiante une voie de valorisation intéressante.

Du point de vue de la prévention des risques liés à la manipulation d’agents chimiques, pour la santé et l’environnement de travail, il est préférable de d’éviter d’utiliser les acides formant des vapeurs, tels que l’acide chlorhydrique ou l’acide fluorhydrique et pouvant générer des contraintes d’exploitation de site de type Seveso.

L’acide sulfurique apparaît comme un bon compromis alliant efficacité, sureté d’utilisation et disponibilité.

Existe-t-il des procédés utilisant cet acide pour détruire l’amiante ?

S’il n’existe pas encore d’installation industrielle en exploitation commerciale utilisant l’acide sulfurique pour détruire l’amiante, le principe de fonctionnement du procédé est connu depuis de nombreuses années (1).

Dès 1988, un brevet (2) décrit précisément un procédé de destruction d’amiante à l’aide d’acide sulfurique et précise les conditions opératoires permettant d’obtenir une destruction plus rapide des fibres d’amiante :

  • Utiliser une solution d’acide suffisamment concentrée
  • Augmenter la température jusqu’à une valeur proche de 100 °C
  • Procéder à un prétraitement physique par broyage des matières à traiter

Est-il possible de détruire les fibres d’amiante contenues dans l’amiante-ciment ?

Les produits en amiante-ciment représentent la grande majorité des déchets issus des chantiers de retrait d’amiante dans le monde, principalement présents sous-forme de plaques en enveloppes des bâtiments.

La destruction complète d’amiante chrysotile contenu dans des plaques d’amiante-ciment à l’aide d’acide sulfurique, a fait l’objet d’un article de recherche, publié en 2014 (3) par une équipe coréenne qui décrit l’effet prépondérant de la température sur la vitesse de réaction.

Pour obtenir rapidement la destruction complète des fibres d’amiante, il est important d’assurer une mise en contact intime entre l’acide et la surface des fibres d’amiante, ce qui suppose, dans le cas des matériaux où l’amiante est lié à une matrice, une étape de broyage préalable.

Les auteurs ont démontré que l’on peut obtenir la destruction des fibres d’amiante, que l’acide sulfurique utilisé soit neuf, ou qu’il s’agisse d’acide usé issu, dans l’exemple cité, de l’industrie des semi-conducteurs.

Quels sont les produits obtenus lors de la destruction d’amiante par l’acide sulfurique ?

Outre la silice amorphe obtenue par dissolution des composants des fibres d’amiante, les produits obtenus dépendent des autres composants associés à ces fibres dans les déchets traités.

Dans le cas d’un MPCA composé uniquement de chrysotile, seule la silice amorphe se retrouve sous forme solide parmi les produits de réaction. Les autres composés, principalement les ions magnésium, sont dissous dans l’acide et peuvent ensuite être valorisés après neutralisation de l’acide usé.

Si des composés chimiques insolubles sont formés à partir des substances contenues dans les déchets traités, ceux-ci peuvent être récupérés avec la silice dans la phase solide.

C’est le cas lorsque l’on traite de l’amiante-ciment où une quantité importante d’oxyde de calcium est présente dans le ciment. Le calcium se trouve alors précipité sous la forme de sulfate de calcium, valorisable sous forme de plâtre.

Quels sont les freins à l’utilisation de la destruction d’amiante par l’acide sulfurique ?

La toxicité des fibres d’amiante et les risques associés à la manipulation de déchets en contenant complexifient la conception des installations de traitement des déchets de part les équipements à mettre en place pour assurer la sécurité du personnel et de l’environnement des installations.

La mise en contact des réactifs en solutions aqueuses avec les surfaces des fibres d’amiante nécessite un broyage préalable et donc une libération de fibres dans l’air qui doivent être piégées à la source ou canalisées vers des systèmes de filtration suffisamment efficaces.

Ces installations de prétraitement nécessitent un confinement dynamique avec mise en dépression et contrôle permanent du bon fonctionnement des équipements de ventilation et de filtration des effluents.

Le personnel ayant en charge la conception des postes de travail et l’exploitation des installations doit avoir suivi une formation particulière à la prévention du risque amiante.

Les inventeurs du procédé sont des spécialistes de l’ingénierie des procédés utilisés dans les industries chimiques et pharmaceutiques, de la récupération des acides résiduaires, de l’épuration des rejets d’air et de la prévention du risque amiante sur les installations fixes ou mobiles de traitement des matériaux et produits en contenant. Ils sont habilités pour l’évaluation des risques, l’encadrement technique et l’exécution des opérations amiante.

Les aspects concernant la prévention du risque amiante, mais aussi celle des autres risques chimiques associés à l’utilisation d’un réactif acide concentré ont ainsi été pris en compte dès le choix et la conception des opérations unitaires constituant la chaine de traitement du procédé. Ceci a conduit à écarter rapidement l’utilisation d’acides présentant une pression de vapeur significative, et donc des risques d’émanations de vapeurs toxiques pour la santé humaine et corrosives pour les équipements, tels que l’acide chlorhydrique, l’acide fluorhydrique ou l’acide nitrique.

Quelles sont les opportunités et avantages offerts par la destruction de l’amiante par l’acide sulfurique à l’aide de notre procédé ?

Il existe une volonté, à l’échelle européenne, de limiter le recours quasi-systématique à l’enfouissement des déchets contenant de l’amiante et de rechercher des procédés permettant de détruire les fibres d’amiante, si possible en permettant la valorisation des matières obtenues (4).

La destruction des fibres d’amiante par voie chimique évite l’enfouissement de ces substances toxiques, dans des installations dont la stabilité à long terme n’est pas assurée. La suppression de la toxicité de ces fibres par le procédé innovant (5) en les transformant en matières valorisables (gypse, silice amorphe, hydroxyde de magnésium) présente un intérêt évident pour la préservation des sites naturels et éviter les difficultés liées à la saturation des centres de stockage existant et l’ouverture de nouvelles installations. A terme, le procédé pourrait à contribuer à la résorber les déchets déjà enfouis, réhabiliter les sites de stockage et limiter les risques de pollution associés.

Le recyclage des acides usés lors de l’attaque des déchets d’amiante, rendu possible par notre procédé, permet une économie substantielle de réactif. Il est alors possible de travailler avec une concentration d’acide élevée, ce qui permet d’augmenter considérablement la vitesse de destruction de l’amiante et de diminuer le temps de séjour de la réaction. Ainsi, la taille des équipements peut être réduite, ce qui conduit à une diminution du coût d’investissement global de construction des unités industrielles.

En effet, en l’absence de système de recyclage de l’acide usé, les coûts d’achat de réactif neuf, dans notre cas l’acide sulfurique, et de produit de neutralisation de l’acide usé sont considérablement augmentés et constituent un frein économique important pour la diffusion des procédés de destruction d’amiante à l’aide d’acides.

Par ailleurs, l’utilisation d’acides usés résiduaires, issus de filières industrielles existantes, permet également de réduire les coûts de traitement associés à l’évacuation de ces effluents consistant généralement à une neutralisation de ces acides et à l’enfouissement des boues obtenues.

1. Song-Tien Chou, ASBESTOS, Patent Number 4,818,143 (avril 1989)

2. Belinda BJERRE, Emil SORENSEN, A METHODE FOR TREATING ASBESTOS, Brevet WO 88/10234, (29 décembre 1988)

3. Thermochemical destruction of asbestos-containing roofing slate and the feasibility of using recycling waste sulfuric acid, Seong-Nam Nam, Seongkyeong Jeong, Hojoo Lim, Journal of Hazardous Materials 265 (2014) 151-157

4. Study on Asbestos Waste Management Practices and treatment technologies, European Commission, Février 2024

5. J.M. Chiapello, S. Petit, Procédé de traitement d’un matériau solide comprenant des fibres d’amiante, Brevet déposé.

Contacts :

Jean-Michel CHIAPELLO, Cefasc Environnement, jmc@cefasc.eu

Stephan PETIT, Alsace Process et Projets Industriels, stephan.petit@appi68.com

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