Le magazine de l’INRS Hygiène & sécurité au travail de septembre 2015 (n°240) pointe du doigt les résultats et les pratiques des laboratoires accrédités COFRAC en matière d’évaluation des niveaux d’empoussièrement par META sur opérateurs.
Dans une première note technique (p.48-50) , suite aux mesures* réalisées par l’INRS sur des chantiers en vue de la détermination des facteurs de protection des APR, les auteurs (S. Chazelet, E. Sirvente, INRS) constatent :
“Des différences très importantes entre ces empoussièrements et ceux, inférieurs, fournis aux entreprises participantes par les organismes accrédités ont été constatées. Actuellement, les entreprises semblent méconnaître les empoussièrements individuels réels, ce qui ne les incite pas à améliorer leurs pratiques.”
Dans une autre note technique (p. 40-47), L. Fréville et C. Eypert-Blaison, de l’INRS, présentent des résultats issus des campagnes d’intercomparaison entre les laboratoires. Les résultats obtenus par les laboratoires accrédités en META sont comparés aux valeurs d’empoussièrement mesurés par MOCP par l’INRS, sur des prélèvements d’air contenant des fibres d’amiante. En principe les mesures en META, qui permettent de compter aussi les fibres de largeur inférieure à 0,2 micromètres, devraient systématiquement être supérieures à celle obtenues par MOCP. Or les auteurs notent que, souvent, ce n’est pas le cas :
” Il apparaît que les laboratoires ont tendance à sous-estimer les densités en fibres d’amiante, ce qui est inacceptable, et plus la densité est élevée, plus les laboratoires sous-estiment le nombre de fibres d’amiante compté. De tels résultats, qui ne peuvent pas tous être obtenus de façon fortuite, témoignent de dysfonctionnements majeurs.”
Ainsi lors de la préparation des filtres, il pourrait y avoir des pertes de fibres… ou au contraire une contamination : “En 2014 un filtre vierge a été distribué par l’INRS et évalué par les participants. Près de 30% des laboratoires ont dénombré entre 1 et 43 fibres d’amiante. Une pollution résiduelle par les fibres d’amiante dans le processus de préparation ou une inversion des filtres pourraient expliquer ces mauvais résultats.”
Au delà des mesures d’empoussièrement, L’INRS a également enquêté auprès des labos via un questionnaire portant sur les pratiques en vigueur, et conclut : “De nombreuses anomalies ont été relevées. Le non-respect de certaines consignes, imposées par l’analyse d’amiante dans le champ réglementaire français, est inacceptable.”
Et encore: “Les pratiques anormales pointées dans cet article mettent à nouveau en doute la fiabilité des résultats rendus quotidiennement par certains laboratoires.”
Il faut noter que la campagne d’intercomparaison est un exercice programmé, et que le laboratoire et son personnel sont au courant de l’objectif poursuivi lors de ces essais, y compris des conséquences que peuvent avoir de mauvais résultats pour le laboratoire. On peut donc penser que ces résultats alarmants ont été obtenus alors que les laboratoires mettaient tous leurs soins à réaliser ces mesures. Et l’INRS de conclure : “Des contrôles inopinés, tels que préconisés par le HCSP**. contribueraient à l’amélioration des pratiques des laboratoires et, ainsi, à une meilleure prévention du risque amiante.”
Si en effet, au vue de cette note technique, ces améliorations sont certainement nécessaires au niveau de l’exploitation des filtres prélevés, on peut cependant douter que ce sera suffisant pour réellement améliorer la prévention. En effet, le plus grand risque d’erreur, lorsqu’on se sert d’une mesure sur un chantier pour l’extrapoler et définir les mesures de prévention sur d’autres opérations, est surtout lié au faible nombre de prélèvements***, et aux conditions d’échantillonnage, très variables selon les conditions du terrain, du lieu de prélèvement, des conditions de ventilation, du nombre et de la position des opérateurs, des autres tâches éventuellement réalisées à proximité, voire de la teneur en amiante du MCA. Et là, aucun contrôle n’a vraiment lieu.
Avant de faire des mesures, il y aurait lieu de savoir précisément pourquoi il y a une si grande dispersion des valeurs mesurées pour un même processus (cf. la base Scola), et agir sur les facteurs permettant de choisir les bonnes pratiques et bannir les mauvaises. Mais, là, les mesures aériennes seules ne suffiront pas, il faut mettre des troupes sur le terrain.
*”Les niveaux d’empoussièrement extérieur [du masque, ndlr.] obtenus sur opérateurs, exprimés en fibres réglementaires (OMS+FFA), sont très variables, de 6 à 235 000 F/l, avec 23% des valeurs qui excèdent le niveau maximal réglementaire de 25 000 F/l.”
**Haut Conseil de la santé publique
***Voir sur ce point la fiche Metropol A1/V01 du 1/12/2005 de l’INRS
CHEVALLIER Bruno
octobre 5, 2015 at 9:47Les analyste de l’INRS défoncent des portes ouvertes! Les meilleures entreprises savent depuis 15 ans, pour en avoir discuté avec les laboratoires les plus impliqués que le ratio META/MOCP est très variable et dans les deux sens. L’analyse META mesure en 3 dimensions et avec un grossissement 4 fois plus fort. Mais la MOCP mesure toutes les fibres sans discrimination. La META trouve plus de fibres dans les empoussièrements exclusivement amiante et quand les fibres sont fines (chrysotile, par exemple). En revanche la MOCP trouve évidemment plus de fibres dans les empoussièrements non amiantés (laine de verre, textiles, …). Le ratio est couramment de 1 à 10 dans les deux sens.
Les syndicats d’entreprises avaient alerté le ministère sur le fait que des mesures de courte durée pour qualifier des empoussièrements très faibles ne pouvaient conduire qu’à des résultats erratiques sensibles à la compétence du laboratoire, à l’expérience du laborantin, à la qualité de la traçabilité de l’échantillon, …
Et tout le monde sait bien que tout cela n’est rien comparé au très fort aléa du prélèvement (situation, orientation, distance par rapport aux entrées d’air neuf, hygrométrie, vitesse des flux d’air en zone, type d’activité au moment du prélèvement, …).
Quand j’étais en activité, je provoquais nos intellectuels réglementeurs en leur disant : “dites-moi le résultat que vous souhaitez et je l’obtiendrai”.
Le chantier n’a jamais été une science exacte : la règlementation a été beaucoup trop loin dans le principe de précaution. Tous les hommes de terrain avaient bien compris qu’en dessous de 100 fibres META, nous serions soumis au hasard pour les mesures sur opérateur. Pour faire mieux, il faudrait mesurer pendant 36 heures, dans des conditions environnementales parfaitement invariantes!
Si l’on retient le ratio moyen META/MOCP de 5x déterminé par l’AFSSET dans son étude sur le sujet, et que l’on considère le passage de 100 à 10 de la VLEP, c’est un durcissement de 50x qui a été imposé en peu de temps aux entreprises françaises. Était-ce utile? Le désamiantage a commencé aux USA et dans le nord de l’Europe au début des années 1960. Le retour d’expérience est maintenant suffisant. A-t-on entendu parler d’un mésothéliome de désamianteur?
Le dispositif réglementaire actuel semble largement surdimensionné. Il présente l’avantage de pousser les entreprises vers un comportement vertueux. Les approximations des mesures au niveau des faibles empoussièrements resteront inévitables et ne remettent pas en cause les progrès qui ont été effectués dans la protection des travailleurs.
admin
octobre 18, 2015 at 10:22Il est utile de préciser que les mesures d’inter-comparaison se font sur des comptages de fibres d’amiante, il est dans ce cas légitime de comparer des résultats obtenus en MOCP et META.
Il y en effet un risque de mésothéliome, et d’autres maladies, plus élevé chez les désamianteurs, comme le révèle une étude faite en Angleterre et publiée en 2008, où des mesures de prévention lors du retrait d’amiante ont été prises à partir de 1983.
Cette étude révèle une augmentation du risque avec le nombre d’années d’exposition, et avec un début d’exposition à un âge plus jeune :
http://www.nature.com/bjc/journal/v99/n5/full/6604564a.html
seculire
mars 22, 2016 at 11:52Que dire des pratiques d’entreprise qui demandent à leur salariés de rester assis à leur poste de travail pendant la durée du prelevement sur opérateur pendant les phases de travail devant valider un processus lors du chantier test et des chantiers de validation? Et comme les preleveurs des labos ne rentrent pas aprés s’être équipé pour suivre et valider les phases opérationnelles : voilà le résultat et dans un délai plus ou moins long toutes les pathologies imputables à l’amiante seront à l’origine des MP des désamianteurs d’aujourd’hui et de demain.
L’amiante ça rend con comme le disait le père DUCROCQ
seculire
mars 22, 2016 at 11:53<Que dire des pratiques d'entreprise qui demandent à leur salariés de rester assis à leur poste de travail pendant la durée du prelevement sur opérateur pendant les phases de travail devant valider un processus lors du chantier test et des chantiers de validation? Et comme les preleveurs des labos ne rentrent pas aprés s'être équipé pour suivre et valider les phases opérationnelles : voilà le résultat et dans un délai plus ou moins long toutes les pathologies imputables à l'amiante seront à l'origine des MP des désamianteurs d'aujourd'hui et de demain.
L'amiante ça rend con comme le disait le père DUCROCQ
IN-R.A.S.
juillet 7, 2016 at 2:01Et que dire de l’INRS qui ne remet jamais en question ses propres pratiques pour la détermination des valeurs de référence lors des campagnes inter-comparaisons. Leur seule réponse est souvent : “nous vous rappelons que vous devez compter les fibres dont la longueur est supérieure à 5µm, la largeur inférieure à 3µm et le ratio longueur/largeur supérieur à 3”. Merci cher organisme superviseur de rappeler des critères connus et maîtrisés depuis des lustres. Plus facile que d’admettre des possibilités d’imprécision dans leurs processus de “fabrication” des souches soumises à essais ensuite, ou des méthodes différentes (MOCP / META) engendrant a fortiori de gros écarts de comptage.
Certains laboratoires ont des pratiques douteuses, nul doute, surtout les grosses structures que l’on pourrait apparenter à des usines de travail à la chaîne, où productivité et rendement priment sur qualité des résultats, mais les laboratoires vertueux et engagés dans des démarches d’amélioration pâtissent de la même manière de cette mauvaise réputation. Triste petit monde que celui de l’amiante. Et n’évoquons pas les sociétés de désamiantage, je ne voudrais pas effrayer tous ceux amenés à lire mon commentaire.
Quand argent et santé se côtoient, la nature humaine reprend le dessus. Dans l’amiante comme ailleurs. Triste morale.
moulin
février 4, 2018 at 12:08avec un empoussièrement prévisible initial de 1500f/l, j’aimerai comprendre comment les entreprises font pour avoir des méta operateurs à 2,5f/l, alors que seul l’humidification et le surfactant interviennent à ce niveau…
ou alors la base scola est totalement fausse?
admin
février 6, 2018 at 11:00La base scol@miante indique le percentile 95, c’est à dire la concentration au dessus de laquelle se retrouvent les 5% de résultats les plus élevés. Autrement dit c’est une qui correspond à des mauvaises pratiques ou une absence de moyens de protections collectives.
Si on regarde l’écart entre cette valeur et la valeur médiane donnée dans les tableaux (au dessous de laquelle se trouvent la moitié des résultats) qui est beaucoup plus basse, il y a un écart énorme.effectivement du point de vue de l’évaluation d’un processus, la base scola n’est pas pertinente et ne reflète pas la réalité des entreprises qui mettent en oeuvre correctement les MPC.