Malgré une diminution ces dernières années des cas totaux d’incapacité permanente reconnus en France, cette chute ne se manifeste pas dans la branche BTP, pour laquelle le nombre de cas se maintien au fil des ans.
Dans cette branche, les personnes ne font pas toujours le lien entre l’amiante et leur maladie, le danger amiante étant moins connu, plus diffus, et plus difficile à identifier que dans l’industrie. On peut donc supposer que le nombre de cas reconnus est bien en deçà de la réalité.
Par ailleurs, l’absence de repérage systématique avant travaux et le manque de diffusion d’une information sérieuse sur les risques auprès des donneurs d’ordres, conduit les professionnels de la rénovation à sous-estimer le risque amiante au quotidien. Les entreprises soucieuses de se préserver du risque amiante se voient écartées des marchés par d’autres, inconscientes des risques réels, tant sanitaires que juridiques et économiques, ce qui crée une distorsion de concurrence.
Pourtant tous les outils réglementaires, médicaux et juridiques sont maintenant là pour faire reconnaître une maladie due à l’amiante comme d’origine professionnelle, et faire condamner pénalement les employeurs qui n’auraient pas intégré le risque amiante dans leur document unique, alors que leur personnel est intervenu dans des bâtiments construits avant le 1er janvier 1997, ce qui constitue en soi une source de danger, sans respecter la réglementation mise en place depuis le 7 février 1996.
La balle serait donc dans le camp des professionnels et c’est peut-être ce qui retient les gouvernements d’imposer le repérage avant travaux et la large diffusion des rapports de repérages existants, notamment ceux des bâtiments publics. Mais comment un employeur peut-il évaluer le risque si son client lui refuse une information fiable sur la présence d’amiante, parce que la loi ne lui impose pas de la fournir ?
Le dernier rapport d’EUROGIP de décembre 2018 sur les cancers professionnels dans plusieurs pays européens vient de rappeler que l’amiante n’est pas un problème comme les autres, mais de loin la première cause de cancers professionnels, et pour longtemps encore. Si rien n’est fait, la diffusion tous azimut de fibres issues de matériaux actuellement en cours de dégradation dans les bâtiments, notamment s’ils ne sont pas repérés avant travaux, ne sera pas là pour arranger la situation.