La qualité des chantiers de désamiantage de 2015 en France est abordée dans un rapport de l’inspection du Travail au Bureau International de Travail.
On est habitué, mais cela n’est pas très brillant, extraits :
” La prévention du risque lié aux matériaux contenant de l’amiante (MCA) est
confrontée à des situations complexes, instables, avec des intervenants multiples
et des imprévus vis-à-vis desquels les services sont amenés à tenir à
jour leurs informations et à concevoir les interventions adaptées. La dispersion
et la mobilité des intervenants amène les agents de différentes Direccte
à coopérer dans l’urgence, avec l’appui des cellules pluridisciplinaires. Les
services suivent de façon continue l’évolution de leurs propres constats. Les
plans de retrait de MCA apparaissent souvent éloignés des exigences de la
réglementation. Les signalements de non-respect des observations sur plan
de retrait font état de la tendance à réaliser les travaux de façon précipitée
et non-conforme. La prévention sur d’importants chantiers de réhabilitation
est détériorée par les dysfonctionnements nombreux des entreprises et des
diagnostiqueurs de MCA. Le repérage avant travaux est trop fréquemment
inadapté : diagnostics inadaptés (par exemple le dossier technique amiante
substitué abusivement au diagnostic avant démolition), voire absents sur la
présence de MCA. Les plans de retraits sont trop souvent des plans type, non
adaptés aux spécificités du chantier et aux modes opératoires. L’applicabilité
de l’une ou l’autre des parties de la réglementation, soit celle qui porte sur
le retrait de matériaux, soit celle qui porte sur les interventions à proximité
immédiate de matériaux amiantés et susceptibles de libérer des fibres à
cette occasion, est un sujet d’imprécisions plus ou moins délibérées et un
mobile pour dénaturer le descriptif des travaux. Pour les travaux de retrait
d’amiante en extérieur (plaques de fibrociment), les règles élémentaires de
protection telles que l’absence de sas de décontamination adaptés sont fréquemment
éludées. Les travaux de démolition et de curage de MCA sont parfois
effectués avant travaux de désamiantage. La date de démarrage des travaux
est rarement respectée et les modifications de date rarement signalées
aux services, ce qui complexifie le contrôle des chantiers de désamiantage.
Dans le secteur scolaire, la période des vacances est propice aux opérations
de retrait menées en hâte. Un nombre non négligeable d’accidents graves
ou mortels par chute de hauteur se produit lors de la déconstruction de
toitures en plaques amiante-ciment, notamment sur des bâtiments agricoles
ou industriels.”
Le chapitre amiante se termine cependant par une idée nouvelle :
“Ainsi, le niveau d’application de la réglementation amiante peut évoluer
positivement dans tous les secteurs, même si des marges de progrès existent
encore. L’animation et la communication pour responsabiliser les maîtres
d’ouvrages publics (centres de gestion, collectivités territoriales, bailleurs
sociaux) et privés est décisive dans ce domaine.”
Voir le rapport complet (le chapitre amiante débute page 126):
l_inspection_du_travail_en_france_en_2015-1
Remarque 1 : Cette fois-ci personne ne pourra aller pleurer aux ministères que les mauvaises pratiques observées sont causées par des centres de formation qui ne savent pas former à la sécurité, comme cela nous avait été expliqué en 2011, lors de la reprise en main du dispositif par l’OPPBTP et l’INRS. Ainsi, début 2012, la deuxième semaine de formation des opérateurs a été troquée contre une période de quelques mois en entreprises, pour apprendre les bonnes pratiques auprès des pros, à la suite de laquelle a lieu un 1er recyclage de 2 jours. Vu le rapport dont il est question ici, il y avait peut-être encore d’autres problèmes à régler, déjà à l’époque, en plus du contenu des formations.
Remarque 2 : Laisser une entreprise choisir sa méthode et faire seule son analyse du risque amiante (avec l’aide d’un labo, lui-même sur un marché devenu très concurrentiel, dont les résultats sont invérifiables car non reproductibles et donc… inattaquables) et la laisser face à ses concurrents et au donneur d’ordre, non lecteur attentif d’une règlementation complexe et parfois malléable, pour justifier le niveau de protection (et de prix) nécessaire au respect de la sécurité, ne s’avère pas forcément efficace pour qu’il soit vraiment tenu compte de la sécurité amiante dans les contrats de travaux.
Remarque 3 : Le rapport ne cite que des disfonctionnements en sous-section 3 pour laquelle il est vrai les DIRECCTE reçoivent des plans de travaux préalables, et peuvent procéder à des contrôles. Pourtant le nombre de personnes exposées est bien plus élevé en sous-section 4, et la fréquence des maladies augmente actuellement dans les branches concernées.